L’événement du jour

Carte Blanche à BIENALSUR

Sur une proposition de Diana Wechsler, directrice artistique de BIENALSUR, en lien avec la thématique Les illusions retrouvées

Du samedi 18 au dimanche 19 octobre 2025

Tout en réfléchissant à notre présent et à « l’avenir » comme à quelque chose à façonner, cette sélection – issue d’une conversation avec José-Manuel Gonçalves – propose une autre voie vers la réunion des espérances, à travers le concept d’utopie et ses rôles possibles aujourd’hui. Dans le sillage de Walter Benjamin et Theodor W. Adorno, et à travers les perspectives de Fredric Jameson et Slavoj Žižek, il s’agit de revisiter les « promesses non tenues de la modernité » dans cette « modernité tardive ».

Depuis un présent plutôt dystopique, l’art parvient à revisiter ces passés pour réactiver leurs significations en direction d’un avenir possible. Demandons-nous : quelles configurations du monde offrons-nous, ou bien les artistes (cinéastes, écrivains, plasticiens, etc.) et les intellectuels nous offrent-ils ? Car tout le passé se réécrit dans le présent, et, à travers nos interrogations, pour reconnaître dans ces passés et réactiver certaines de ces utopies à nos présents pourrait s’avérer fécond pour réimaginer un avenir.

Engageons-nous dans l’exercice de « regarder et regarder encore » ,comme le dirait John Berger, et, dans ce « regarder à nouveau », découvrons ces chemins non empruntés qui mériteraient peut-être de l’être.

En somme, cette ligne de pensée trouve une expression condensée dans les œuvres réunies dans ce Focus BIENALSUR. Avec les pièces de Gabriela Golder et Ali Kazma, centrées sur les pratiques de lecture et la contemplation qui traversent le temps et ravivent ces illusions encore à conquérir – rêves et utopies modernes – dans un présent continu qui pourrait, pourquoi pas, indiquer la voie vers des avenirs possibles, tandis que la persistance des pratiques de soin et de lien avec la nature se manifeste dans l’œuvre de Kapwani Kiwanga.

Formée en tant qu’anthropologue, Kapwani joue ce rôle dans sa pratique artistique, en utilisant des informations historiques pour construire des récits sur des groupes de personnes. Elle ne se contente pas d’étudier le passé, elle explore également l’avenir, racontant des histoires d’afro-futuristes et créant des dossiers spéculatifs sur des civilisations futures afin de réfléchir à l’impact des événements historiques.
Ainsi, Kiwanga a développé un vocabulaire esthétique qu’elle décrit comme des « stratégies de sortie », des œuvres qui invitent à voir les choses sous plusieurs perspectives pour envisager les structures existantes autrement et trouver d’autres façons de naviguer vers l’avenir.

Deux filles lisent le Manifeste du Parti Communiste avec leur grand-mère. Les filles demandent des explications. Il y a beaucoup de concepts qu’elles ne comprennent pas, des mots. Une scène familière, un conversation piece.

House of Letters est une réflexion vibrante sur la littérature et la culture, les livres et les écrivains, la photographie et le temps, la perte et le refuge, le crépuscule et le jour… L’une de ses premières phrases dit : « Moi, qui avais toujours pensé au Paradis sous forme et image comme une bibliothèque. » Cela plonge immédiatement le spectateur dans le domaine du paradis perdu. Et la perte est en effet un sentiment majeur qui nous immerge. Même sans connaître les détails du départ de Manguel de France, on ressent une impression extrêmement forte de fragilité et de menace. Nous sommes enfermés dans un oxymore poignant entre le pouvoir des mots et leur fugacité.